Grenoble – Méribel Col de la Loze (168 km)

Grenoble accueille le départ de cette étape décisive du Tour de la France. La ville-cuvette qui s’enorgueillit (à tort) d’avoir inventé le tacos lyonnais laisse partir et défiler un peloton anxieux, pour lequel le diptyque Col de la Madeleine puis Col de la Loze risque d’être plus lourd à digérer que la fameuse sauce fromagère O’Tacos. Les visages sont fermés comme une frontière en temps de guerre, et les mines déterminées comme si un gloire éternelle pouvait arriver ou s’envoler à tout moment pour les plus affûtés de ceux-ci.

L’échappée matinale arrive à se déployer facilement dans les 93 kilomètres plats qui mènent au pied de la Madeleine, où Pierre Rolland bien qu’émoussé par ses multiples attaques quasi-quotidiennes, ira chercher les points finaux de son maillot à pois pour le visser définitivement sur ses épaules baroudeuses. Le français, tout sourire au sommet, se laisse glisser à l’arrière du petit groupe d’échappés avec la satisfaction du devoir accompli et une bonne dose de popularité auprès d’un public qui l’aimait déjà beaucoup, mais qui l’aime encore davantage.

Le peloton se met en ordre de bataille dans le Col de la Madeleine, guidé par les Lotto-Soudal. Puis soudain, le bleu de chauffe passe avec vigueur : Sébastien Reichenbach, Valentin Madouas et David Gaudu se mettent à visser comme jamais dans les pourcentages les plus raides, avec un Thibaut Pinot très facile dans leur sillage. L’effet est immédiat : Thomas De Gendt vole en éclats et se trouve très vite isolé, n’ayant plus que Philippe Gilbert, équipier d’ultra-luxe, à ses côtés pour mettre du rythme dans la défense de sa tunique ensoleillée. La guerre est déclarée, et il reste encore plus de 60 kilomètres avant l’arrivée ! Le tempo des Madiot-boys est redoutable, et la course d’usure par l’arrière opère puisque Pogacar, Valverde, Kruisksjksji et Alaphilippe sont irrémédiablement lâchés ! Oui : les grandes manoeuvres sont violemment lancées, et plusieurs parties génitales posées sur la table.

Depuis la vue d’hélicoptère, on aperçoit un peu moins de rouge et noir à l’avant, et pour cause : Froome est distancé ! Thomas et Bernal se regardent d’un air inquiet, pendant que Dumoulin, achevé par un ultime levage de cul de Gaudu baisse également la tête et se laisse suavement exploser pendant que le français se range. Il y en a de partout, mais pas assez au gout de Pinot qui s’érige alors sur ses pédales : le héros franc-comtois envoie enfin la purée que le peuple français attendait fiévreusement ! C’est l’hystérie devant les télés, dans les cabines de commentateurs et sur les bords de routes. Geraint Thomas vacille, s’accroche et revient, mais comme l’inévitable comparaison de l’élastique finit par péter ! En tête, il ne reste donc plus que Quintana, Landa, Pinot, Lopez, Higuita, Roglic et Bernal (soit les 2e, 3e, 4e, 5e, 6e, 7e et 11e du classement général). Le Tour est en train de se jouer !

De Gendt passe au sommet avec déjà 2 minutes de retard sur le groupe Quintana et se lance à corps perdu dans la descente, avec toute la hargne et l’honneur qu’un maillot jaune se doit d’avoir. Il finit par revenir au prix d’un courage monumental sur le groupe 2 (composé d’Alaphilippe, Dumoulin, Froome, Thomas, Kruildjlkjq et Gaudu) qui navigue à 45 secondes du premier groupe. Une immense partie de manivelles a lieu dans la vallée entre les deux paquets de leaders, mais le chrono ne bouge pas : toujours 45 secondes au pied du terrible Col de la Loze ! Les échappés partis tôt le matin se font avaler un à un et sans respect par un Quintana déchainé qui roule en tête du groupe 1 avec l’envie folle d’aller chercher ce jaune tant espéré, et d’enfin faire taire les rageux sur son présumé attentisme. Un seul impétueux du groupe d’échappées résiste et caracole en tête : Richie Porte ! L’australien, qui a pris de l’avance en prenant la fuite matinale, se démène comme un beau diable de Tasmanie pour aller chercher cette victoire qui lui ferait tant de bien après un Tour catastrophique.

À Méribel, le groupe 1 est à 2’30’’ de Porte et possède une minute d’avance sur le groupe 2 où Froome et Thomas tentent de limiter la casse en unissant leurs forces britanniques. Nérokintana est allègrement aidé par la Colombian mafia (Lopez et Higuita), mais il trouve aussi parmi ses compatriotes un adversaire peu enclin à l’aider, en la personne de Bernal. Pinot, Roglic et Landa observent le quatuor colombien faire sa course en attendant de tâter les pourcentages les plus terribles de la Loze.

BOUM : énorme attaque de Bernal ! On s’y attendait, le coureur d’Ineos n’est pas là pour être ici et pour cause, il est 1’24’’ de Quintana (désormais virtuel maillot jaune puisque De Gendt a fini par lâcher du groupe 2) au général. Il faut essayer de renverser la vapeur pour le tenant du titre mais… la Colombian mafia n’est pas d’accord ! Quintana est ramené sur l’assaillant par Higuita et Lopez, qui ont clairement choisi leur camp. À la jonction et à la faveur d’un raidard plus violent que le final de Peer Gynt d’Edvard Grieg, Landa se met soudainement à flinguer ! Higuita et Lopez, à peine remis de leur effort de pousse-Nairo, sont obligés de céder du terrain. Seuls Roglic, Pinot, Bernal et Quintana suivent cette offensive.

Devant, Richie Porte arrive à trouver un second souffle, un troisième poumon et (enfin) un soupçon de réussite puisqu’il s’impose avec mérite au sommet de l’interminable et pentu final. L’australien avait peur d’être catalogué « loser », le voilà triomphant de la Loze !

45 secondes derrière, les cinq affamés déboulent à toute berzingue : Pinot a pris les devants et s’en va cueillir la 2e place (et les 6’’ de bonif) devant Roglic (3e et 4’’ de bonif), Landa, Quintana et un Bernal fatigué mais présent. Les colombiens Lopez et Higuita, victimes de leur association de « Nérobienfaiteurs », arrivent 20 secondes derrière, et enfin le groupe Froome-Thomas-Dumoulin-Alaphilippe-etc… arrive 1’10’’ (une éternité !) après Pinot. De Gendt, magnifique d’abnégation, n’a pas coulé et coupe la ligne avec 3 minutes de retard sur le groupe 1, perdant toutefois son habit de lumière avec les honneurs et des souvenirs jaunes pleins la tête.

Nérokintana peut enfin se parer de jaune, à quatre jours des Champs Élysées, et en position idéale. Mais juste derrière lui, restent à l’affût un Pinot taille patron (qui a déclenché la guerre de loin et posé ses pouliches sur la table), un Landa au top et un indécrottable Roglic. Oui : ce Tour est définitivement plus serré que l’élastique de mon slip.

Classement général :

1. Nairo Quintana (ARK)
2. Mikel Landa (BAH) + 28’’
3. Thibaut Pinot (GPF) + 29’’
4. Primoz Roglic (JBV) + 32’’
5. Miguel Angel Lopez (AST) + 55’’
6. Sergio Higuita (EF) + 55’’
7. Thomas De Gendt (LTS) + 1’04’’
8. Egan Bernal (INE) + 1’24’’
9. Julian Alaphilippe (DCQ) + 2’08
10. Christopher Froome (INE) + 2’24’’
11. Tom Dumoulin (JBV) + 2’28’’
12. Geraint Thomas (INE) + 2’38’’
13. Steven Krujidfdksie (JBV) + 2’41’’
14. David Gaudu (GPF) + 3’58’’
15. Tadej Pogacar (UAE) + 4’10’’


Maillot à pois : Pierre Rolland

Maillot vert : Peter Sagan

Maillot blanc : Sergio Higuita

Combatif du jour : Richie Porte