Clermont-Ferrand – Lyon (197 km)

Nous n’irons pas par quatre chemins : Lyon est la plus belle ville du monde. Capitale mondiale de la gastronomie qui a hébergé les immenses Paul Bocuse et Eugénie Brazier, ville des lumières où sont nés les frères éponymes et mère nourricière du cinéma, du bon-vivre et du doux-vivre, Lyon puise sa beauté dans sa culture créative, antique et Renaissante. À cheval entre modernité et tradition, ni du Nord ni du Sud, la capitale des Gaules reste le plus beau des théâtres gallo-romains pour abriter une arrivée du Tour entre ses murs tremblants d’Histoire et d’anecdotes nichées ça et là de la Cathédrale Saint Jean aux profondeurs bleues du lac de la Tête d’Or. Vivante et vibrante flèche nichée entre le majestueux Rhône et la paisible Saône, la Presqu’ile, qui accueillera l’arrivée du jour, se love contre Fourvière (la colline qui prie) et la Croix-Rousse (la colline qui travaille) dans un entremêlement de traboules mystiques, de quais où la douceur de vivre est reine, de ruelles colorées aux murs ocres et de pentes serpentant vers un ciel toujours plus clément et gouailleur. De ce monde, Lyon est la plus belle ville, et le Tour la plus belle course. Alors, que demander de plus aujourd’hui, sinon un pot de Beaujolais juste frais comme il faut et quelques fines tranches de bon jésus lyonnais ? Rien. La vie est belle en cette ville, et davantage quand la Grande Boucle vient la visiter en honorant sa beauté éternelle et (un poil) chauvine.

Au lendemain d’une journée aussi éreintante qu’auvergnate, Thomas De Gendt aura le loisir de reposer ses cannes sur-sollicitées et son maillot jaune au départ de Clermont-Ferrand, au cours d’une étape de transition dont on ignore encore si elle fera la part belle aux sprinteurs, aux baroudeurs ou aux puncheurs. Un mini Milan-San Remo, en somme, avec l’escalade de trois collines lyonnaises dans un final tonique et ouvert, comme un bon Saint Joseph pour accompagner un demi Saint-Marcelin. Les coureurs devront donc se sortir les tripes pour triompher du sort incertain que leur réserve la ville de Juninho et Alexandre Astier.

Mais le suspense est de courte durée : l’échappée du jour compte ni plus ni moins que 19 coureurs, où figurent toutes les équipes qui voulaient être représentées à l’avant ! Le bon de sortie a été offert dans le Col du Béal, où le peloton a laissé filé ce beau paquet d’audacieux affamés, pressés d’aller se gonfler la panse sur les nappes vichy d’un bouchon lyonnais. Les équipes de sprinteurs ont senti leurs forces amoindries et ont décidé de laisser filer les baroudeurs vers un succès mérité, ce qui fait également les affaires de Thomas De Gendt et de ses boys, ravis de s’économiser en cette veille de Grand Colombier.

Avec son confortable matelas de 12 minutes d’avance à la mi-course, l’échappée mène sa barque et reste groupée jusqu’au pied de la Duch’ où tout vole en éclat dans la côte, sous l’impulsion d’un remuant Cyril Gautier (B&B Vital Concept). On ne retrouve plus que 5 hommes avec lui : Nils Politt (Israel), Niccolo Bonifazio (Total Direct Energie), Shane Archbold (Deceuninck-Quickstep), Simon Geshke (CCC) et Daryl Impey (Mitchelton-Scott). À la faveur d’un flottement coupable derrière eux, ils prennent le large dans la descente vers l’Observance et restent groupés dans cette ascension avec 28 secondes d’avance sur leurs anciens compagnons. Tout va se décider dans la côte de la Croix Rousse ! La colline des bobos va faire mal. On sait qu’Impey va vite, et Bonifazio, seul sprinteur rescapé le craint. Politt a tout intérêt à finir seul, mais peine à faire la différence pendant que Gautier arrose la montée de son punch. Archbold explose, Geshke s’accroche. Aucune différence n’est faite dans la dernière difficulté ! Il reste 5 kilomètres, une belle descente et du plat jusqu’à l’arrivée qui effleure le magnifique Hôtel-Dieu.

On se dit alors que ça va être du gâteau pour Bonifazio, qui a réussi à s’accrocher dans les bosses avec un punch qu’on lui connaissait guère, et qu’il n’aura plus qu’à conclure au sprint. Mais l’italien de Total-Direct Energie craint trop Impey et décide de faire tapis, en s’isolant dans la descente de la Croix Rousse, surprenant son monde ! Il nous fait un incroyable numéro d’équilibriste semblable à celui qu’il avait effectué lors du final de Milan-San Remo, entre inconscience totale et maitrise partielle. Et voilà qu’il prend cinq, puis dix secondes d’avance alors que derrière, Impey refuse d’assumer, Gautier le regarde et Politt roule comme un boeuf sans être relayé. 

Bonifazio arrive sur la portion plate et profite de « l’enterrement de première classe » derrière, et continue de creuser. Impey tente désormais de partir seul mais Politt le marque à la culotte et le reprend. Petit temps de flottement à la jonction… Impossible de reprendre la moindre seconde à Bonifazio, qui n’a plus qu’à conclure le boulot, arrivant tel un empereur romain dans la Capitale des Gaules. Jean-René Bernaudeau est fou de joie et paye sa tournée de câlins sur l’aire d’arrivée, en hurlant des « Vive les chouans, vive la Vendée indépendaaaante » aussi confus qu’empruntés de joie. Ce soir à table, les célèbres quenelles lyonnaises seront accompagnées de mogettes vendéennes !

Classement de l’étape :

1. Niccolo Bonifazio (TDE)
2. Daryl Impey (MTS) + 19″
3. Nils Politt (ISR) mt.
4. Cyril Gautier (BBV) mt.
5. Simon Geshke (CCC) + 28″
6. Shane Archbold (DCQ) + 52″
7. Daniel Oss (BOH) + 1’58 »
8. Dylan Teuns (BAH) mt.
9. Tony Gallopin (ALM) mt.
10. Nikias Arndt (SUN) mt.

Classement général :

1. Thomas De Gendt (LTS)
2. Julian Alaphilippe (DCQ) + 4’02″
3. Nairo Quintana (ARK) + 4’04’’
4. Sergio Higuita (EF) + 4’05’’
5. Miguel Angel Lopez (AST) + 4’05’’
6. Primoz Roglic (JBV) + 4’06’’
7. Mikel Landa (BAH) + 4’08’’
8. Thibaut Pinot (GPF) + 4’09’’
9. Tom Dumoulin (JBV) + 4’12’’
10. Steven Krujidfdksie (JBV) + 4’25’’
11. Christopher Froome (INE) + 4’44’’
12. Geraint Thomas (INE) + 4’58’’
13. David Gaudu (GPF) + 4’59’’
14. Egan Bernal (INE) + 5’02’’
15. Alejandro Valverde (MOV) + 5’07’’
16. Tadej Pogacar (UAE) + 5’19 »

Maillot à pois : Pierre Rolland (BBV)

Maillot vert : Peter Sagan (BOH)

Maillot blanc : Sergio Higuita (EF)

Combatif du jour : Cyril Gautier (BBV)